Nouveau système de gouvernance, transfert de la collecte aux Urssaf, valorisation du CPF en euros… La ministre du travail, Muriel Pénicaud, a détaillé la réforme de la formation professionnelle. A la clef, 12 mesures concrètes pour donner plus de « lisibilité » au système.
C’est le « big bang » voulu par la ministre du travail. Sans renier l’accord national interprofessionnel (ANI), scellé le 22 février par les partenaires sociaux (à l’exception de la CGT), la ministre du travail a décidé d’ »aller plus loin » en annonçant, hier, une « réforme systémique » de la formation professionnelle. « Une bataille des compétences est engagée » et il ne faut pas « réformer à la marge » a justifié Muriel Pénicaud.
Un CPF en euros
Dans le détail, le gouvernement modifie l’unité de mesure du compte personnel de formation (CPF). Exit le nombre d’heures, place à la monétisation. « Le CPF crédité en euros est plus lisible et plus juste, une formation pour cadre coûtant plus chère que celle d’un ouvrier », a indiqué Muriel Pénicaud. Concrètement, à partir du 1er janvier 2019, le CPF sera crédité de 500 euros par an, plafonné à 5 000 euros au bout de 10 ans. Pour les personnes peu qualifiées, le CPF atteindra 800 euros par an (plafonné à 8 000 euros). Les partenaires sociaux avaient décidé une augmentation des heures (35 heures au lieu de 24 actuellement). Les salariés à temps partiel auront, eux, les mêmes droits que les salariés à temps plein, à partir d’un mi-temps.
Une appli mobile
Une application numérique sera créée pour permettre à chaque titulaire d’un CPF de connaître les formations certifiantes proposées dans son bassin d’emploi ou sa région, les dates de sessions, le taux d’insertion dans l’emploi à l’issue de la formation ainsi que l’avis des autres stagiaires. Surtout, il pourra s’inscrire directement à un stage et le payer « sans passer par un intermédiaire et sans validation administrative ». L’organisme de formation sera directement payé par la Caisse des dépôts et consignations.
Collecte transférée aux Urssaf
Autre changement majeur : à partir de 2019, la cotisation formation (1,68% pour les entreprises de plus de 11 salariés et 1,23% pour celles de moins de 11 salariés) sera automatiquement collectée par les Urssaf qui transféreront une partie de ce pécule vers la Caisse des dépôts et consignations. Actuellement, la collecte est réalisée par les Opca. Ces derniers seront transformés en opérateurs de compétences. Leur nombre devrait être progressivement revu à la baisse. Le ministère souhaite qu’ils soient organisés non pas par branche professionnelle mais dans une logique de filière professionnelle. D’où des rapprochements alors que le travail de fusion, aujourd’hui à l’oeuvre, avance modérément. Leurs nouvelles prérogatives ? Financer les centres de formation pour apprentis (CFA), en appliquant les coûts contrats définis par les branches ; aider à la définition du plan de formation des TPE-PME et appuyer les branches dans la co-construction des diplômes. Ils contribueront également aux politiques de GPEC (gestion prévisionnelle des emplois et des compétences).
Le plan de formation simplifié
Par ailleurs, le plan de formation sera simplifié. A l’heure actuelle, il fait la distinction entre les actions d’adaptation au poste de travail, les actions liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi dans l’entreprise et les périodes de professionnalisation. Demain, ces trois catégories seront supprimées. « Les TPE-PME de moins de 50 salariés bénéficieront, quant à elles, de fonds mutualisés pour boucler leur plan de formation, prélevés sur une quote-part de l’ensemble des entreprises », selon la ministre. L’accord de formation ne prévoyait pas de contribution mutualisation pour les entreprises de plus de 300 salariés. Enfin, l’action de formation englobera la formation en situation de travail (Fest).
Refonte de la gouvernance
L’autre grande nouveauté réside dans la refonte de la gouvernance. Les trois instances paritaires, le Cnefop (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles), le Copanef (Comité paritaire national de l’emploi et de la formation professionnelle) et le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), dans lesquelles les partenaires sociaux occupent des prérogatives importantes, fusionneront en une agence quadripartite, France Compétences. Elle sera composée de trois collèges : Etat, partenaires sociaux, régions. Cette agence sera chargée de réguler le prix des formations afin que les coûts « ne dérivent pas ». Elle veillera également sur la qualité de l’offre en vérifiant que les organismes de formation (qui devront désormais être certifiés pour pouvoir être éligibles aux financements liés au CPF) respectent bien le cahier des charges auquel ils ont été soumis par un organisme certificateur. L’exécutif a décidé de s’appuyer sur le Cofrac (Comité français d’accréditation) pour mener à bien cette mission. Dans ce contexte, le référencement de l’offre de formation mené actuellement par les partenaires sociaux avec Datadock sera abandonné. France compétences assurera, par ailleurs, une mission de péréquation d’une partie des contributions des entreprises au titre de l’alternance et de la formation continue.
Les partenaires sociaux inquiets par la monétisation du CPF |
La CPME, tout en saluant globalement la réforme, a agité le risque « d’une usine à gaz » si l’Urssaf récupère la collecte des fonds quand la CFDT craint que le projet de loi, en décidant de monétiser le CPF, ne « réduise l’ambition affichée par les partenaires sociaux ». « Un changement de mesure ne devant pas être un affaiblissement des droits des salariés ». La confédération de Belleville regrette également que les annonces concernant la gouvernance n’ont fait « l’objet d’aucune concertation préalable ». Aussi la CFDT demande l’organisation d’une concertation rapide pour que ces changements ne « conduisent pas un chamboule-tout destructeur ». FO s’alarme également « du danger potentiel » de la monétisation du compte personnel de formation (CPF) et s’interroge sur l’avenir du rôle de l’interprofessionnel en matière de formation professionnelle et sur les conséquences du recouvrement par les Urssaf. Pierre Gattaz a indiqué, de son côté, dans une tribune publiée, dimanche, dans le JDD, qu’il « paraît délicat de vouloir à nouveau tout changer sans concertation ». La CGT, de son côté, critique notamment la monétisation du CPF, qualifiée de « chèque formation pour solde de tout compte » qui fait la part trop belle aux « trop nombreux organismes de formation » en leur laissant « les mains libres pour marchandiser la formation ». |