Alors que la Cour d‘appel de Paris est amenée ce matin, dans le cadre d’une affaire précise, à se prononcer sur la régularité du barème prud’homal d’indemnités en cas de licenciement considéré comme injustifié, le Président de la CPME défend ce dispositif et explique* en quoi sa remise en cause serait désastreuse aussi bien pour les employeurs que pour les salariés.
Il n’y a pas si longtemps, lors de mes rencontres avec les chefs d’entreprise, la peur d’embaucher était le sujet qui, systématiquement, revenait au cœur de nos échanges.
Depuis les ordonnances travail, nos discussions ont singulièrement évolué. On ne me parle plus de peur d’embaucher mais de difficultés à trouver des compétences. Même si cette évolution n’est pas complètement satisfaisante, reconnaissons qu’elle est néanmoins, ô combien, plus rassurante. Elle permet à ceux qui recherchent un emploi d’espérer rebondir.
Pourquoi ce changement ?
Trois éléments issus des « ordonnances travail » en sont, notamment, la raison.
Tout d’abord l’instauration d’un barème obligatoire d’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. On peut ensuite évoquer le fait que le fond prime désormais sur la forme et enfin, la diminution du délai de recours ramené de trois à un an.
Ces trois points fondamentaux ont mis fin à la financiarisation des conflits prud’homaux devenus, au fil des ans, une vraie loterie. Rien à perdre, tout à gagner !
D’une juridiction à une autre, pour des cas similaires, l’entreprise pouvait se voir réclamer des sommes allant du simple au quintuple.
Une simple erreur de forme, malgré une faute grave que personne ne pouvait contester, et l’employeur se trouvait lourdement condamné.
Près de 3 ans après avoir quitté l’entreprise, un salarié pouvait soudainement décider que, finalement, il y avait lieu de traîner son ancien employeur devant les prud’hommes.
Tout cela est désormais terminé.
Car les ordonnances ont eu l’immense mérite de remettre du bon sens dans la procédure.
Mais certains avocats se sont jurés de remettre en cause le fameux barème obligatoire. Ils en font un combat personnel. Rappelons pourtant que ce barème n’est pas le fruit du hasard. Il a été établi en se basant sur la moyenne des sommes allouées lors des condamnations intervenues dans les différents conseils. Soulignons aussi qu’il permet la juste réparation lorsque le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse. Sans oublier le fait que discrimination et harcèlement n’entrent pas dans le barème. Et précisons enfin qu’il ne remet pas en cause la marge d’appréciation des juges en leur laissant une faculté de s’inscrire dans une fourchette.
De plus, il présente l’immense avantage de protéger les parties, qu’il s’agisse des entreprises ou des salariés, en leur évitant une procédure souvent longue, coûteuse et anxiogène, en les incitant à négocier.
Autre élément fondamental, l’entreprise, même si elle est condamnée, est économiquement protégée. Auparavant, il n’était pas rare que le montant des dommages et intérêts alloués puissent dépasser les capacités financières de l’entreprise. Résultat, les plus petites d’entre elles pouvaient être contraintes de déposer le bilan, et de licencier les autres salariés pour un prud’homme… ne les concernant pas.
Où est, dans ce cas, la préservation du bien commun qu’est l’entreprise ?
N’en déplaise à certains, juste réparation et sauvegarde du bien commun sont bien l’équilibre du barème.
Alors à tous ceux, salariés, avocats ou syndicalistes qui rêvent de crier victoire en faisant tomber ce barème qu’ils jugent contraire à la convention n°158 de l’OIT, je dis attention. Votre éventuelle victoire aurait un goût amer.
Revenir sur ce barème serait un terrible signal lancé aux employeurs. Mais pas seulement.
Avoir peur d’être licencié est légitime, mais avoir peur de ne jamais rebondir est une sanction plus terrible encore que ni l’employeur ni le salarié n’ont envie de connaitre.
Au-delà de cela à nouveau, la France reviendrait en arrière par rapport à une mesure récemment adoptée. Notre pays souffrirait, encore et toujours, d’une instabilité des règles juridiques.
François Asselin
Président de la CPME
*Tribune publiée sur Le Monde.fr du mercredi 22 mai 2019.