LA CPME VIGILANTE SUR LA MISE EN OEUVRE DE LA REFORME DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE

Lors d’une conférence de presse hier, la CPME a fait part de ses inquiétudes sur la mise en oeuvre de la loi Avenir professionnel s’agissant de la formation professionnelle : monétisation du CPF, fin de la mutualisation pour les entreprises de 50 à 300 salariés, nouvel Opco… Les discussions qui s’ouvrent sur la santé au travail est une autre source de crainte pour la CPME.

Lors de sa conférence de presse, hier à Paris, la CPME a présenté ses nouveaux responsables des affaires sociales et de la formation, après le départ de Jean-Michel Pottier qui conserve toutefois ses mandats au sein de l’Unedic et de Pôle emploi. Deux nouvelles têtes pour le remplacer : Eric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales et de la formation, et Marie Dupuis-Courtes, présidente de la commission formation-éducation-emploi et représentante de la CPME au sein de France compétences. Ils ont tous les trois fait le tour des questions qui agitent les PME ces dernières semaines : mise en oeuvre de la réforme de la formation, possibilité d’une taxation des contrats courts, démarrage des discussions sur la santé au travail, réforme des retraites.

Vigilance sur la mise en oeuvre de la réforme de la formation professionnelle

Pour la réforme de la formation, c’est l’heure de la mise en oeuvre pratique et la période de transition n’est pas une sinécure pour les partenaires sociaux. Si François Asselin ne se dit « pas trop inquiet sur la partie apprentissage », il en va autrement s’agissant de la formation professionnelle. Ce qui l’inquiète ? La disparition de la mutualisation pour les entreprises de 50 à 300 salariés, mais aussi les nouveaux Opco. « Certains périmètres n’ont pas changé, contrairement à celui au niveau interprofessionnel où l’on connait un vrai big bang ! ». Pourtant François Asselin assure que la CPME s’est montrée conciliante lors des négociations sur le nouvel Opco des entreprises de proximité afin que tout soit en ordre de marche le plus rapidement possible pour les entreprises. « Nous étions d’accord pour dire qu’il fallait remettre la branche au centre du dispositif mais avec un retour sur un investissement pour les entreprises ! Nous avons voulu être responsable afin que cet argent investi par les employeurs puisse être utilisé le plus rapidement possible ». Eric Chevée craint pour sa part qu’il y ait une année blanche pour la formation professionnelle. « Même si les chefs d’entreprise sont responsables, ils ne savent pas à quel interlocuteur s’adresser pour le financement mais aussi pour le conseil ».

Autre source d’inquiétude : la monétisation du compte personnel de formation (CPF). Pour la CPME, remplacer des heures par des euros, ce n’est pas anodin, notamment lorsque l’employeur demande au salarié d’activer son CPF lorsque le plan de formation est insuffisant à financer une formation. « Vous demandez au salarié de l’argent et des non des heures ! Psychologiquement ce n’est pas la même chose », insiste le président de la CPME. Enfin, souligne Marie Dupuis-Courtes, « les 15 euros ne permettent pas de financer une formation qualifiante ».

Inquiétudes sur les discussions sur la santé au travail

La réforme de la santé au travail qui, elle, a démarré vendredi dernier au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail (Coct) est un autre sujet d’inquiétude pour François Asselin. « Je suis assez anxieux – par principe – sur cette réforme car ce peut être une occasion supplémentaire de rajouter des contraintes à beaucoup d’entreprises. Notre objectif est d’activer au maximum le volet prévention mais en même temps de trouver le moyen de le faire intelligemment en repartant du terrain ». François Asselin persiste à dénoncer les nombreuses obligations qui pèsent sur les PME en matière de formation à la sécurité. « Les obligations en matière de santé et de sécurité se sont empilées au fil des ans. Nous militons pour un passeport-sécurité afin que chaque secteur prévoit une formation au métier pour évoluer en sécurité. On améliorerait ainsi l’employabilité des personnes car la formation pourrait être faite pendant l’apprentissage ou pendant une période de chômage ».

Autre question que la CPME veut mettre sur la table, celle des antécédents médicaux des salariés embauchés. « En cas de maladie professionnelle, c’est le dernier employeur qui récupère le sujet  avec le risque d’une inaptitude, d’une obligation de reclassement, d’un licenciement ». François Asselin a déjà en tête un dispositif de mutualisation des risques entre les employeurs successifs. Les propositions de la CPME sur le sujet seront finalisées ce soir en comité exécutif.

Un échec de la négociation sur la négociation chômage prévisible

Revenant sur la négociation sur l’assurance chômage, le président de la CPME estime que l’échec était assuré, « avec une lettre de cadrage bien formatée et un passager clandestin, l’Etat », déplorant les intrusions répétées d’Emmanuel Macron. « Le chef de l’Etat n’a pas arrêté de mettre de la friture sur la ligne avec le bonus-malus ». Il regrette par ailleurs « qu’on ait cristallisé cette négociation sur cette question alors que la réforme de l’assurance chômage est beaucoup plus large ». Pour contrer justement le bonus-malus qui se profile, la CPME propose d’instaurer une prime de précarité dégressive en fonction de la durée du contrat à durée déterminée. « Le malus existe déjà ; c’est la prime de précarité, explique le président de la CPME, ce serait une manière de réintroduire du bonus ».

Les partenaires sociaux ont été reçus tous ensemble lors d’une réunion avec la ministre du travail. Une nouvelle réunion doit normalement avoir lieu d’ici à quelques semaines.

Un système à deux étages pour la réforme des retraites

Enfin, autre vaste réforme qui se profile, celle des retraites. « Nous n’étions pas forcément demandeurs d’une réforme car le régime est équilibré pour les prochaines années, soutient Eric Chevée, mais cela nous a semblé une bonne idée car nous ne sommes jamais sûrs de rien et que le système actuel, compliqué, n »a pas la confiance des Français ». La donne a toutefois changé, avec les déclarations ce week-end de la ministre de la santé, Agnès Buzyn, qui ne semble plus écarter la possibilité de reporter au-delà de 62 ans la possibilité de partir à la retraite. « On ne peut pas conserver tous les dispositifs de solidarité et conserver les 62 ans, estime pour sa part Eric Chevée. Nous proposons un système à deux étages. Le premier avec un régime universel autour de la solidarité, et un étage complémentaire qui tiendrait compte des particularités des salariés du privé, des fonctionnaires et des indépendants ». Et de mettre en garde le gouvernement : « si l’on garde les 62 ans, il va falloir trouver des systèmes incitatifs pour garder les salariés au travail entre 62 et 67 ans ». Encore une réforme qui s’annonce d’ores et déjà agitée…

Florence Mehrez – Rédactrice en chef de Actuel-RH